Pour que le ciel ne nous manque plus jamais – Défense au procès de 4 compagnons

Mise à jour :

Stefano et Marco sont libérés

Suite à la demande de mise en liberté Stefano et Marco ont été libérés avec un contrôle judiciaire serré (obligation de pointer deux fois par semaine et interdiction de paraître à Paris). Leur jugement aura lieu le 23 mai. Ils y paraîtront donc libres et non incarcérés ce qui change la donne auprès du parquet et des magistrats.

Le 1er mai 2019 à Paris, quatre compagnons (deux de nationalité italienne et deux de nationalité française) sont arrêtés rue Bichat par des bacqueux un peu avant 12h tout comme nombre d’autres personnes ce jour-là.
Sont retrouvés en leur possession des “armes” (3 marteaux et un bâton) ainsi que du “matériel de protection”.
Leur est reprochée la participation à un groupement en vue de la préparation de violences, le refus de se soumettre aux opérations de relevés signalétiques (ADN) ainsi que pour trois d’entre eux le refus de se soumettre aux opérations de prélèvement externe (photos et empreintes).

L’avocate, qui défend les 4 compagnons d’une seule voix, plaide la nullité de l’intégralité du dossier en mettant en avant le non-respect de la procédure par les keufs en réalisant une fouille hors du périmètre de la manifestation sans la présence d’un Officier de Police Judiciaire (OPJ) et/ou sans flagrance (être en flagrant délit). Pour justifier cette dernière, le procureur, citant un PV d’interpellation (le seul sur lequel c’est indiqué), mentionne que l’une des personnes aurait accéléré le pas à la vue de la BAC. L’avocate le coupe, la cour de cassation à déjà statué sur ce point, accélérer le pas ne constitue en aucun cas une flagrance. A cela, le proc répond par un savant bégaiement.

Pour se tirer de ce mauvais pas (pas de raisons valable d’avoir fouillé les compagnons, donc fouille illégitime, donc nullités de toutes les charges) le juge, tenace, suspend l’audience, se retire en concertation une bonne heure et demi avant de revenir avec une formidable trouvaille: la mention “marteau dans la ceinture” sur le PV de fouille d’un des compagnons est maintenant devenue une “arme apparente” et donc un flagrant délit. Nullités complètes rejetées.
Ce que ce passage montre, c’est que le juge a totalement la possibilité d’interpréter les pièces du dossier à sa guise afin de coincer ceux qui ne lui reviennent pas. Le tribunal ne juge pas des faits, il juge des gens, des profils, des idées, des intentions, des rôles sociaux. Et comme la fin justifie les moyens, le mensonge peut s’avérer très utile. Côté proc, ça pue le seum quand il accuse presque les inculpés d’avoir gardé le silence.

Par contre, le refus de se soumettre aux opérations de relevés signalétiques ainsi que pour l’un d’entre eux le refus de se soumettre aux opérations de prélèvement externe tombent pour les deux compagnons italiens du fait de la non remise de leur notification de garde à vue en italien dans le délai imparti par leur loi.

L’avocate fait à ce moment appel de la décision du juge de poursuivre les charges. Le procès est reporté au 23 mai 2019. Alors qu’ils ne peuvent plus statuer sur l’affaire, ces maniaques de l’ordre tirent leur dernière cartouche, par dépit, et surement aussi par amertume, et décident de statuer sur les mesures de sécurité en attendant le procès. Tout le monde comprend: comme avec d’autres ce jour là, ils ont faim de contrôle, de tôle, d’enfermement, de privations, bref d’incarcération.

Dans cette opération, et dans le cadre de la coopération des polices de l’espace Schengen, la police italienne fut très rapide à fournir toutes les informations possibles sur les “ressortissants Italiens” sous forme de notes de renseignements. Les notes, n’ayant aucun statut légal comme pourrait l’avoir un casier judiciaire, pèsent néanmoins énormément dans la décision du juge.

Après que le juge et le proc’, qui partagent la même robe, aient usé de tous leurs artifices pour empêcher leur remise en liberté, les deux compas italiens sont désormais en détention provisoire (DP) à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis en attente de procès le 23 mai, au tribunal de grande instance de Paris. Les deux autres compagnons sortent sous contrôle judiciaire (ayant pu présenter des garanties de représentation valides au yeux des magistrats).

Une demande de mise en liberté (DML) a été immédiatement déposée. En outre, ils sont également sous le coup d’une obligation de quitter le territoire pendant deux ans ce qui peut impliquer un placement en CRA après une éventuelle sortie de prison. Cette OQTF, ainsi que la décision de ne pas reconnaître la nullité de toutes les charges est contestée en appel pendant le procès par l’avocate (en déposant la demande au greffier du TGI durant la concertation des magistrats).

La demande de mise en liberté est cruciale pour toutes les personnes qui auraient voulu produire des garanties de représentation afin d’éviter la détention préventive mais qui n’ont pu le faire par manque de connaissance ou de préparation. Elle permet entre autre de présenter de nouvelles garanties de représentation. Présenter des garanties est un choix, certes criticable en tant qu’il contribue à diviser les prévenus selon des critères d’intégration à cette société qui nous crie “marche ou crève”, mais il est important d’avoir l’option de le faire. La DML acceptée permet d’arriver à son procès en tant que personne libre, ce qui a beaucoup d’influence sur la décision des juges. (Si vous connaissez des gens dans cette situation, faites leur savoir qu’ils peuvent en parler à leur avocat, même s’ils sortent de DP le jour de leur procès, c’est un avantage énorme).

Dans la salle, alors que le juge annonce la décision d’incarcérer les compagnons, une compa crache en direction du procureur, une partie du public crie sa rage et sort en solidarité.
Une procédure d’outrage à magistrat est relevée.

Si nous partageons ici certains détails précis du procès c’est parce que nous estimons qu’ils ont de l’importance pour toutes les futures procédures et pourront permettre à d’autres de se défendre (si possible collectivement), de requérir les nullités de charges ou de faire valoir des vices de procédures. Cette affaire n’est qu’une parmi tant d’autres, mais c’est en mettant en commun nos expériences et nos outils de défense que nous pourrons tenir tête à la justice et leur dire, droit dans les yeux, qu’ils ne sont que les bouffons d’un système qui maintient vivant le cadavre de cette société pourrissante.

Pour envoyer des lettres, textes ou dessins aux deux compagnons en détention :

M. MARCO CAVINATO
N° d’écrou 451050 – Bâtiment D5
Maison d’Arrêt de Fleury-Mérogis
7 avenue des Peupliers
91705 FLEURY-MÉROGIS

M. STEFANO MARRI
N° d’écrou 451049 – Bâtiment D5
Maison d’Arrêt de Fleury-Mérogis
7 avenue des Peupliers
91705 FLEURY-MÉROGIS

Contre tous les états, par delà leurs frontières, solidarité !

Aucune cage ne pourra jamais enfermer nos rêves de liberté.